Le manifeste
La création d’un Centre de recherche en architecture en Tunisie intervient dans un contexte marqué par une offre limitée et irrégulière d’expositions, de débats et d’actions de sensibilisation du grand public à l’architecture et l’urbanisme et à leurs problématiques.
Les Tunisiens sont pourtant reconnus comme étant sensibles à la brique. En effet, près de 80% des Tunisiens sont propriétaires de leur logement et le statut de propriétaire est un marqueur social majeur dans la société tunisienne. Toutefois, seules 10% des demandes d’autorisation de bâtir sont élaborées par des architectes.
S’agissant de constructions informelles (sans autorisation de bâtir), les statistiques nationales indiquent qu’elles représentent près de la moitié du parc immobilier national (48% en 2021), soit quatre fois plus qu’en 2010 (12% en 2010).
La Révolution du 14 janvier 2011 et ses effets négatifs sur le respect de l’autorité de l’État et des pouvoirs publics locaux, ainsi que la corruption, ont largement contribué à ce fléau et les voies de sortie sont de plus en plus limitées.
Conscientiser les publics (enfants, adultes en âge d’être propriétaires, entrepreneurs, architectes/urbanistes, promoteurs immobiliers et autres professionnels), sur les enjeux du paysage urbain et de son devenir, nous paraît être d’une importance primordiale.
Quelle est la valeur perçue / le statut de l’architecte dans l’imaginaire collectif des Tunisiens ?
Quel est ou quels sont ses substituts ?
«L’hétérogénéité des architectures de la ville découlerait surtout de la disparité des postures officielles, mais aussi savantes, dans la définition d’une tunisianité contemporaine culturelle, et donc architecturale, cloisonnée dans le clivage modernité-tradition. Répondre à une telle interrogation, implique nécessairement la connaissance des différents projets initiés par l’État durant la cinquantaine d’années concernée, mais aussi les divers profils de maîtres d’œuvres à l’origine des écritures architecturales en question.»
À travers le Centre d’Architecture, un corpus diversifié devra être sélectionné et analysé, permettant l’exploration de l’architecture comme l’expression d’une culture et le vecteur d’un discours.
Habiter un territoire participe à la construction des individus et des sociétés ; de l’un résulte l’autre. Aussi est-il nécessaire que la réflexion soit participative, nourrie d’échanges avec des personnalités diverses (historiens, chercheurs, universitaires, professionnels) qui, sur la base d’archives retraçant la mémoire du développement urbain de la Tunisie moderne et contemporaines, pourraient nous aider à mieux réfléchir l’espace public et privé.
Une chute qualitative de l’espace urbain est ressentie après l’époque coloniale, de Tunis à Redeyef. Pour certains, les architectes y ont une part de responsabilité, par démission ou par compromission (avec une administration peu regardante sur ces sujets) .
Hormis Édifices & Mémoires et Docomomo tunisie, deux structures dédiées à la mise en lumière du patrimoine architectural tunisien en péril ((ancien et récent) pour la première, et dans la protection et valorisation de l’architecture, de l’urbanisme et du paysage du XXe siècle pour la deuxième, peu d’expositions participent à la valorisation de l’architecture moderne et contemporaine de la Tunisie.
Nous souhaitons à travers le Centre traiter de ces sujets, ainsi que des défis écologiques qui s’imposent en ces temps de fortes perturbations climatiques.